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Droits de l'Homme et libertés publiques. |
Réunie le
mercredi 1er mars et le mercredi 8 mars sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a
examiné, sur le rapport de M. Jean-Pierre Schosteck, la proposition
de loi n° 234 (1998-1999) adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à
la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que
crime contre l'humanité et la proposition de loi n° 406
(1997-1998) de M. Michel Duffour et plusieurs de ses collègues, relative à la
célébration de l'abolition de l'esclavage en France
métropolitaine.
Le rapporteur a indiqué que la proposition de loi
adoptée par l'Assemblée nationale tendait principalement à la reconnaissance par
la République du caractère de crime contre l'humanité de la traite négrière et
de l'esclavage perpétrés à partir du XVème siècle à l'encontre des populations
africaines, malgaches, indiennes et amérindiennes.
Il a précisé que la
proposition prévoyait la fixation d'une date de commémoration de
l'abolition de l'esclavage en métropole, le développement de la place consacrée
à l'esclavage dans les manuels scolaires, la mise en place d'un comité
de personnalités chargé de proposer des lieux et des actions pour perpétuer
le souvenir de l'esclavage, le dépôt d'une requête en reconnaissance de
l'esclavage comme crime contre l'humanité auprès d'organisations
internationales, enfin la possibilité pour les associations défendant la mémoire
des esclaves d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour
certains délits.
Considérant que l'article 212-1 du code pénal fait
clairement de la réduction en esclavage un crime contre l'humanité, la
commission propose d'étendre le champ de la reconnaissance prévue à l'article
premier de la proposition de loi, afin de rappeler que, conformément aux
dispositions du code pénal, l'esclavage, quels que soient le lieu et l'époque où
il est commis, constitue un crime contre l'humanité.
La commission a
en outre estimé que certaines dispositions de la proposition de loi n'étaient
pas de nature législative. Elle a approuvé la modification de la loi de 1983
relative à la commémoration de l'abolition de l'esclavage pour prévoir la
fixation d'une date de commémoration en métropole. Elle a décidé
d'intégrer dans la loi de 1983 la disposition de la proposition de loi prévoyant
la création d'un comité de personnalités qualifiées tout en prévoyant que
ce comité pourrait formuler des recommandations relatives au contenu des
programmes scolaires. Elle a supprimé en conséquence les autres dispositions de
la proposition de loi.
La commission a adopté la proposition de loi
ainsi modifiée.
Mesdames,
Messieurs,
Le Sénat est appelé à examiner la proposition de loi
(n° 234) adoptée par l'Assemblée nationale tendant à la reconnaissance
de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité. Cette
proposition de loi, déposée à l'Assemblée nationale par
Mme Christiane Taubira-Delannon et plusieurs de ses collègues, est
inspirée par la volonté que l'un des plus grands crimes de l'histoire de
l'humanité ne disparaisse pas de la mémoire collective. Comme l'indique l'exposé
des motifs de la proposition de loi : " Les humanistes (...)
disent, avec Elie Wiesel, que le " bourreau tue toujours deux fois, la
deuxième fois par le silence ".
En 1998, la France a célébré le
cent cinquantième anniversaire du décret d'abolition de l'esclavage, signé par
Victor Schoelcher, qui siégea ultérieurement sur les bancs du Sénat. De
nombreuses manifestations ont été organisées à cette occasion, tant en métropole
que dans les collectivités territoriales d'outre-mer. Au Sénat, a ainsi été
organisée une exposition retraçant le combat en faveur de l'abolition de
l'esclavage.
La présente proposition de loi doit permettre de perpétuer
la réprobation de crimes injustifiables en leur donnant le nom qu'ils méritent à
l'évidence, celui de crimes contre l'humanité.
Sans prétendre à la
connaissance profonde qui ressort du vibrant rapport de notre collègue députée
Mme Taubira-Delannon1(*), votre
rapporteur, après avoir brièvement rappelé quelques faits sur ce que fut
l'esclavage, tel qu'il est défini dans la proposition de loi, présentera le
contenu de celle-ci et les propositions de votre commission des lois .
La
proposition de loi soumise au Sénat tend à la reconnaissance en tant que crime
contre l'humanité de la traite négrière transatlantique ainsi que de la
traite dans l'océan Indien d'une part, de l'esclavage d'autre part, perpétrés à
partir du XVème siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en
Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et
indiennes.
L'esclavage n'est pas apparu au XVème siècle, mais bien
plus tôt. Il s'agissait d'une pratique courante dans l'Antiquité. En Grèce,
certains citoyens ne pouvant payer leurs dettes étaient condamnés à l'esclavage.
Le même sort était réservé aux prisonniers. A Rome, Jules César aurait asservi
et vendu un million de Gaulois en dix ans. Surtout, il semble que la traite dite
arabo-musulmane contre l'Afrique subsaharienne ait commencé longtemps avant
l'ère chrétienne puis se soit développée à compter du septième siècle de notre
ère.
L'une des singularités de la traite négrière transatlantique, de la
traite dans l'océan indien et de l'esclavage perpétrés par les pays européens à
partir du XVème siècle est son ampleur en ce qui concerne le nombre de personnes
impliquées. Au XVème siècle, en effet, la découverte de l'Amérique et les
grandes expéditions vers le Nouveau Monde, conduisirent à l'apparition de la
traite négrière et du commerce dit " triangulaire ". Le développement
des cultures de plantation dans les colonies impliquait une main d'oeuvre
nombreuse qu'il était impossible de trouver sur place. Les amérindiens, premiers
habitants d'Amérique et des Caraïbes avaient en effet été largement décimés lors
de la conquête de ces territoires. L'Afrique allait dans ce contexte, fournir la
main d'oeuvre que recherchait les puissances européennes pour le développement
de leurs colonies. A la suite de l'Espagne, toutes les puissances coloniales
européennes se lancèrent au XVIème siècle dans un commerce international
systématique, en particulier l'Angleterre et la France.
Dans un premier
temps, ce commerce fut un monopole d'Etat ; en France, il fut ouvert aux
négociants privés par les lettres patentes de 1716.
Dès 1685, fut
promulgué le code noir, qui faisait figure de texte libéral et était destiné à
réglementer le sort des esclaves. Il fut pendant plus de 160 ans le cadre
légal de l'esclavage.
Il est difficile de savoir le nombre exact de
personnes qui firent l'objet de la traite négrière et furent réduites en
esclavage. Les historiens estiment qu'entre 15 et 30 millions de
personnes furent arrachées à l'Afrique. Par ailleurs, 11 millions
d'Indiens environ vivaient sur le continent américain au début du
XVIème siècle ; ils n'étaient plus que deux millions et demi à la fin
du même siècle.
Le chemin qui conduisit à la disparition de ces
pratiques fut long et heurté. Au XVIIIème siècle, un mouvement se développa
en faveur de l'abolition de l'esclavage, grâce notamment aux écrits de certains
philosophes. Dès 1748, Montesquieu, dans l'Esprit des Lois, choisit
l'ironie et la dérision pour dénoncer toute l'horreur de l'esclavage :
" Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les
nègres esclaves, voici ce que je dirais : Les peuples d'Europe ayant
exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique,
pour s'en servir à défricher tant de terres.
" (...) Ceux dont il
s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si
écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre.
" (...) Il est
impossible que vous supposiez que ces gens-là soient des hommes ; parce
que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne
sommes pas nous-mêmes chrétiens.
" De petits esprits exagèrent trop
l'injustice que l'on fait aux Africains. Car, si elle était telle qu'ils le
disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre
eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en faveur de la
miséricorde et de la pitié ? "
Voltaire, à son tour,
dénonça l'esclavage dans le célèbre chapitre de Candide où ce dernier
rencontre un homme étendu à terre qui, après lui avoir expliqué le traitement
réservé aux esclaves, conclut : " C'est à ce prix que vous mangez
du sucre en Europe ".
La fin du XVIIIème siècle fut
marquée par des révoltes d'esclaves, en particulier dans les colonies
françaises. Ainsi en août 1791, une révolte d'esclaves, notamment conduite
par Toussaint Louverture déclencha une terrible insurrection à Saint-Domingue où
l'abolition de l'esclavage fut proclamée le 29 août 1793. Le
4 février 1794, la Convention étendit cette décision à l'ensemble des
colonies françaises. Néanmoins, Napoléon rétablit l'esclavage en 1802.
En 1815, le Congrès de Vienne marqua le premier engagement
international contre la traite des esclaves, l'acte final du Congrès déclarant
" le commerce connu sous le nom de traite des nègres d'Afrique [...]
comme répugnant aux principes d'humanité et de morale universelle ".
Toutefois, malgré une loi d'avril 1818 interdisant aux citoyens
français de pratiquer la traite des noirs, cette pratique ne cessa pas
immédiatement, loin s'en faut.
En 1834, Victor Schoelcher créa avec le
duc de Broglie la Société pour l'abolition de l'esclavage. Il publia également
plusieurs ouvrages contre l'esclavage, en particulier " Des colonies
françaises, abolition immédiate de l'esclavage " en 1842. En 1848, la
révolution porta au pouvoir un gouvernement au sein duquel Victor Schoelcher fut
chargé du secrétariat d'Etat aux colonies. Un décret d'abolition de
l'esclavage fut signé le 4 mars 1848 par le Gouvernement provisoire, dont
les conditions d'application furent précisées par un décret du
27 avril 1848.
Les dernières phases de l'action officielle
contre l'esclavage se déroulèrent au niveau international. Les conférences de
Berlin en 1885 et de Bruxelles en 1890 permirent de progresser dans le sens
d'une condamnation de l'esclavage. Par la suite, la répression de la traite des
esclaves fut prévue par les articles 22 et 23 du pacte de la société des
nations. En 1926, fut signée une convention relative à l'esclavage, visant les
formes multiples d'esclavage et de traite ainsi que le travail obligatoire.
En 1948, la déclaration universelle des droits de l'homme précisa en son
article 4 : " Nul ne sera tenu en esclavage ni en
servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits dans
toutes leurs formes ". La convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales précise également que
" nul ne peut être tenu en esclavage ou servitude ".
En
1956, la convention de 1926 relative à l'esclavage fut complétée par une
convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite
des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage.
*
L'esclavage
est désormais condamné au niveau international et pénalement punissable en tant
que crime contre l'humanité. La notion de crime contre l'humanité fit son
apparition en 1946 dans le statut du tribunal international de Nuremberg.
Déjà, la réduction en esclavage figurait dans la définition du crime contre
l'humanité, même si cette définition ne concernait alors que les faits survenus
avant ou pendant la seconde guerre mondiale.
L'article 212-1 du
code pénal français fait aujourd'hui clairement figurer la réduction en
esclavage parmi les crimes contre l'humanité.
Enfin, le statut de la
Cour pénale internationale mentionne clairement l'esclavage en tant que crime
contre l'humanité dans son article 7. Le statut de la Cour pourrait
permettre, après son entrée en vigueur, la poursuite de tous les actes
d'esclavage quel que soit le lieu de leur commission. La Cour aura en effet
compétence dans l'ensemble des pays du monde, dès lors qu'elle sera saisie par
le Conseil de sécurité des Nations-Unies.
L'objet
essentiel de la proposition de loi est l'affirmation par la République
française que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans
l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du
XVème siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe
contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes
constituent un crime contre l'humanité.
Toutefois, la proposition de
loi comporte d'autres dispositions, destinées à perpétuer la réprobation des
crimes commis et à commémorer l'abolition de l'esclavage.
Ainsi, la
proposition de loi prévoit que :
- les manuels scolaires et
les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines devront
accorder à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils
méritent (article 2) ;
- une requête en
reconnaissance de la traite négrière transatlantique ainsi que de la traite
dans l'océan Indien et de l'esclavage comme crime contre l'humanité sera
introduite auprès du conseil de l'Europe, des organisations internationales et
de l'Organisation des Nations-Unies (article 3) ;
- le
Gouvernement fixera, après une large concertation, une date pour la
commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage en France
métropolitaine (article 3 bis). La proposition de loi
(n° 406) présentée par M. Michel Duffour et les membres du groupe
communiste, républicain et citoyen a le même objet ;
- un
comité de personnalités qualifiées sera chargé de proposer des lieux et
des actions de mémoire qui garantissent la pérennité de la mémoire du crime de
traite et d'esclavage (article 4) ;
- les associations
ayant pour objet de défendre la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs
descendants pourront exercer les droits reconnus à la partie civile dans
les affaires d'injures ou de diffamation à raison de l'origine ethnique
(article 5).
Votre
commission partage la préoccupation exprimée par
Mme Christiane Taubira-Delannon, auteur de la proposition, dans le
beau discours qu'elle a prononcé le 22 octobre 1999 devant le Conseil
exécutif de l'UNESCO :
" (...) il nous faut dire quel est
notre niveau de conscience universel et ce que nous partageons avec les femmes
et les hommes de toute la planète, ce qui justifie que nous engagions nos forces
dans des luttes pour la justice. Il y a nécessité, bien entendu, d'envisager la
question des réparations ; en d'autres termes dire très clairement quelle
forme d'éducation nous allons donner à nos enfants, aux générations futures,
pour que cette histoire trouve sa place dans l'histoire de l'humanité ;
dire quelles institutions culturelles nous allons encourager ; dire comment
les politiques publiques dans tous les domaines doivent converger, de façon à
extirper les racines du racisme et à détruire toutes les conditions de
reproduction des inégalités qui sont issues des injustices élaborées à cette
époque ".
L'esclavage est aujourd'hui clairement reconnu en
tant que crime contre l'humanité. A l'évidence, l'esclavage et la traite
négrière pratiqués pendant près de quatre siècles étaient constitutifs du crime
contre l'humanité tel que nous l'entendons aujourd'hui. Rappelons que, selon
la définition d'André Frossard, " Il y a crime contre l'humanité quand
l'humanité de la victime est niée ".
Pour autant, de très
nombreux événements de l'Histoire, ancienne ou récente, étaient eux aussi
constitutifs de crimes contre l'humanité. Peut-on opérer une hiérarchisation
entre crimes, entre victimes ? Votre commission ne s'y est pas crue
autorisée.
Il convient d'ajouter que des crimes contre l'humanité sont
encore commis de nos jours, qu'il existe des formes modernes d'esclavage et que
ces phénomènes doivent mobiliser de manière prioritaire les pouvoirs publics et
les juridictions internationales et nationales.
A cet égard, votre
commission souhaite que le statut de la Cour pénale internationale puisse entrer
en vigueur le plus rapidement possible, afin que les crimes contre l'humanité,
et notamment la réduction en esclavage, puissent être mieux prévenus et
réprimés.
Votre commission a donc décidé de modifier l'article
premier de la proposition de loi, afin de rappeler que l'esclavage défini par
l'article 212-1 du code pénal constitue un crime contre l'humanité, quels que
soient l'époque et le lieu où il est commis.
Votre commission a
approuvé la modification de la loi de 1983 relative à la commémoration de
l'abolition de l'esclavage. Elle a accepté le principe de la fixation d'une date
de commémoration sur le territoire métropolitain (article 3 bis de la
proposition) et a souhaité intégrer dans la loi de 1983 le texte de l'article 4
de la proposition de loi qui prévoit la création d'un comité de personnalités
chargé de proposer des lieux et des actions de mémoire. Elle a donc inséré le
texte de l'article 4 de la proposition dans l'article 3 bis. Elle a
également inséré à cet article la préoccupation traduite par l'article 2 de
la proposition de loi, en prévoyant que ce comité fasse des propositions en
matière de programmes scolaires.
En revanche, votre commission a
supprimé l'article 3 de la proposition de loi, prévoyant qu'une requête
en reconnaissance de la traite négrière et de l'esclavage comme crimes contre
l'humanité sera déposée auprès d'organisations internationales. Outre qu'il
s'agit d'une injonction au Gouvernement, une commission de l'Organisation des
Nations-Unies a déjà adopté une résolution reconnaissant l'esclavage en tant que
crime contre l'humanité.
Enfin, votre commission a considéré que
l'article 5 était déjà satisfait par les dispositions législatives
permettant d'ores et déjà à de nombreuses associations d'exercer les droits
reconnus à la partie civile dans les affaires de diffamation ou d'injures.
*
Pour
l'avenir, au vu de l'interdiction faite au Parlement français d'adopter des
résolutions, votre commission souhaite qu'une réflexion soit ouverte sur la
manière d'éviter d'inscrire dans la loi des dispositions qui n'auraient pas
vocation à y figurer, quelles que soient les intentions incontestables,
respectées et partagées de leurs auteurs.
" La loi ordonne,
permet ou interdit " peut-on lire sous la plume de Sieyès, l'un des
pères du code civil. La plupart des dispositions de la présente proposition de
loi ne correspondaient pas à cette prescription. Rappelons également qu'aux
termes de l'article 34 de la Constitution, la loi " fixe les
règles " ou " détermine les principes fondamentaux ".
En 1991, le Conseil d'Etat s'est inquiété de l'évolution préoccupante
des lois : " (...) comme chaque année, le Conseil d'Etat a vu
passer un nombre non négligeable de lois et décrets, dont l'article premier est
dépourvu de tout contenu normatif ; encore se résigne-t-on lorsqu'il ne
s'agit que de l'article premier, car de plus en plus, le discours
philosophique, l'exposé de bonnes intentions, s'étend aux articles suivants,
quand il n'envahit pas le texte tout entier, réduit à une simple formulation
d'objectifs "2(*).
En fait, cette situation résulte probablement du fait que le
Parlement français est l'un des seuls au monde à ne pouvoir prendre publiquement
position qu'en votant les lois, en censurant le Gouvernement ou en approuvant
une déclaration de politique générale. La plupart des parlements votent en effet
des motions ou des résolutions, qui leur permettent d'exprimer des positions
n'ayant pas de portée normative. En France, le vote de résolutions a été limité
par le Conseil constitutionnel en 1959, aux cas prévus par la Constitution.
Depuis 1992, les deux assemblées peuvent voter des résolutions sur les
propositions d'actes communautaires qui lui sont soumises par le
Gouvernement.
Il serait souhaitable de rechercher un moyen pour le
Parlement de pouvoir s'exprimer solennellement sur certains sujets sans avoir à
recourir à la loi, qui devrait demeurer normative.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi.
Article
premier
Reconnaissance de la traite négrière et de l'esclavage
en
tant que crime contre l'humanité
L'article
premier dispose que la République française reconnaît que la traite négrière
transatlantique ainsi que la traite dans l'océan indien d'une part, et
l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVème siècle, aux
Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les
populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un
crime contre l'humanité.
La notion de crime contre l'humanité est
récente et résulte du statut du tribunal militaire international de Nuremberg
annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945. L'article 6 du
statut définit les crimes contre l'humanité comme " l'assassinat,
l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte
inhumain commis contre toutes populations civiles avant ou pendant la guerre, ou
bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque
ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit
interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout
crime rentrant dans la compétence du tribunal, ou en liaison avec ce
crime ".
Cette définition du crime contre l'humanité, sur le
fondement de laquelle des responsables du régime nazi ont été jugés et condamnés
est profondément liée au contexte qui a présidé à son élaboration.
Le
code pénal comporte deux articles consacrés aux crimes contre l'humanité.
L'article 211-1 concerne le génocide, tandis que l'article 212-1
concerne les autres crimes contre l'humanité.
Le code
pénal et les crimes contre l'humanité
TITRE PREMIER : DES
CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ
Chapitre premier : du génocide
Art. 211-1.- Constitue un génocide le fait, en exécution d'un
plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre
critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l'encontre de membres
de ce groupe, l'un des actes suivants :
- atteinte volontaire à la
vie ;
- atteinte grave à l'intégrité physique ou psychique ;
- soumission à des conditions d'existence de nature à entraîner la
destruction totale ou partielle du groupe ;
- mesures visant à
entraver les naissances ;
- transfert forcé d'enfants (...).
Chapitre 2 : des autres crimes contre l'humanité
Art. 212-1.- La déportation, la réduction en esclavage ou
la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvements de
personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains,
inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et
organisées en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de
population civile sont punies de la réclusion criminelle à perpétuité.
Le statut de la Cour pénale internationale, signé à Rome en
juillet 1998 et dont la France a entamé la ratification définit pour sa
part de la manière suivante, dans son article 7, le crime contre
l'humanité :
" (...) on entend par crime contre l'humanité
l'un des actes ci-après commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou
systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette
attaque :
" a) meurtre ;
" b
extermination ;
" c) réduction en esclavage ;
" d) déportation ou transfert forcé de population ;
" e) emprisonnement ou autre forme de privation grave de
liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit
international ;
" f) torture ;
" g) viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse
forcée, stérilisation forcée et toute autre forme de violence sexuelle de
gravité comparable ;
" h) persécution de tout groupe ou
de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, social,
national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste (...), ou en fonction
d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit
international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou
tout crime relevant de la compétence de la Cour ;
" i) disparitions forcées ;
" j) apartheid ;
" k) autres actes
inhumains de caractère analogue causant essentiellement de grandes souffrances
ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou
mentale ".
Ainsi, la réduction en esclavage est considérée,
dans toutes les définitions en vigueur, comme un crime contre l'humanité.
L'entrée en vigueur du statut de la Cour pénale internationale pourrait
permettre la répression de l'esclavage quel que soit l'endroit où ce crime est
commis. Le statut de la Cour prévoit en effet qu'en cas de saisine par le
Conseil de sécurité des Nations Unies, la Cour sera compétente quel que soit
l'Etat de nationalité de l'auteur du crime ou l'Etat sur le territoire duquel le
crime aura été commis.
L'article premier de la proposition de loi
tend à la reconnaissance par la France du fait que la traite et l'esclavage
perpétués à partir du XVème siècle contre les populations africaines,
malgaches, amérindiennes et indiennes étaient un crime contre l'humanité.
Compte tenu des définitions données aujourd'hui des crimes contre l'humanité,
il est incontestable que la traite et l'esclavage étaient des faits constitutifs
de crime contre l'humanité.
Pour autant, de nombreux autres
événements de l'Histoire ancienne ou récente ont également constitué des crimes
contre l'humanité. Votre commission ne s'est pas estimée compétente pour
qualifier plus particulièrement certains événements historiques. Elle vous
propose donc un amendement tendant à modifier cet article pour rappeler
que l'esclavage défini par l'article 212-1 du code pénal, constitue un crime
contre l'humanité, quels que soient le lieu et l'époque où il a été
commis.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
modifié.
Article 2
Développement de l'enseignement
et de la
recherche sur la traite négrière et l'esclavage
Cet article
prévoit que les manuels scolaires et les programmes de recherche en histoire et
en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place
conséquente qu'ils méritent. Il prévoit également que " la coopération
qui permettra de mettre en articulation les archives écrites disponibles en
Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en
Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires
ayant connu l'esclavage sera encouragée et favorisée ".
A
l'heure actuelle, l'article 2 du décret du 23 novembre 1983, pris
en application de la loi n° 83-550 du 30 juin 1983 relative à la
commémoration de l'abolition de l'esclavage, et qui ne concerne que les
départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte, prévoit que
le 27 avril de chaque année ou, à défaut, le jour le plus proche, une
heure doit être consacrée dans toutes les écoles primaires, les collègues et les
lycées à une réflexion sur l'abolition de l'esclavage.
Le présent
article a pour objectif de permettre un accroissement de la place accordée à la
traite négrière et à l'esclavage dans les manuels scolaires et mérite d'être
approuvé.
Il convient cependant de relever que la détermination des
programmes scolaires est une compétence du Gouvernement. L'article 5 de la
loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation
prévoit que les programmes définissent, pour chaque cycle, les connaissances
essentielles qui doivent être acquises au cours du cycle ainsi que les méthodes
qui doivent être assimilées.
L'article 6 de la même loi dispose
qu'un conseil national des programmes donne des avis ou adresse des propositions
au ministre de l'éducation nationale sur la conception générale des
enseignements, les grands objectifs à atteindre, l'adéquation des programmes et
des champs disciplinaires à ces objectifs et leur adaptation au développement
des connaissances.
Le contenu des programmes scolaires relève donc
manifestement du pouvoir réglementaire. Il conviendra d'inviter le Gouvernement
à agir pour que l'esclavage et la traite négrière bénéficient d'une place
conséquente dans les manuels sans pour autant inscrire une telle disposition
dans la loi. En conséquence, votre commission propose, à
l'article 3 bis, que le comité de personnalités dont la création est
prévue par la proposition de loi, puisse formuler des propositions relatives au
contenu des programmes scolaires.
Votre commission vous propose donc
la disjonction de l'article 2 dont le dispositif sera repris à
l'article 3 bis.
Article 3
Requête en reconnaissance de la traite
négrière transatlantique
ainsi que de la traite dans l'Océan Indien et de
l'esclavage
comme crime contre l'humanité
Cet article
prévoit l'introduction d'une requête en reconnaissance de la traite négrière
transatlantique ainsi que de la traite dans l'Océan indien et de l'esclavage
comme crime contre l'humanité auprès du Conseil de l'Europe, des organisations
internationales et de l'Organisation des Nations Unies. Cette requête devrait
également avoir pour objet la recherche d'une date commune au niveau
international pour commémorer l'abolition de la traite négrière et de
l'esclavage, sans préjudice des dates commémoratives propres à chacun des
départements d'outre-mer.
Il convient de noter que la commission des
droits de l'homme de l'organisation des Nations Unies a adopté un projet de
résolution qualifiant l'esclavage et la traite des esclaves crimes contre
l'humanité.
Le présent article, qui pourrait revêtir un caractère
d'injonction au gouvernement, apparaît donc satisfait.
Votre commission
vous propose en conséquence de disjoindre l'article 3.
Article 3 bis
(Loi n° 83-550 du
30 juin 1983)
Fixation d'une date pour la commémoration
de
l'abolition de l'esclavage en métropole
La loi
n° 83-550 du 30 juin 1983 relative à la commémoration de
l'abolition de l'esclavage prévoit que la commémoration de l'abolition de
l'esclavage fait l'objet d'une journée fériée dans les départements de
Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, ainsi que dans la
collectivité territoriale de Mayotte.
La loi prévoit également qu'un
décret fixe la date de la commémoration pour les différentes collectivités
territoriales visées et précise les conditions dans lesquelles la commémoration
sera célébrée sur le territoire métropolitain. En pratique, chacune des
collectivités territoriales d'outre-mer a retenu une date de commémoration
différente, prenant en compte son histoire propre. Ainsi, la Martinique a retenu
la date du 22 mai, jour anniversaire de la dernière révolte d'esclaves de
l'île ; la Guyane et la Réunion ont retenu respectivement le 10 juin
et le 20 décembre, dates d'entrée en vigueur du décret d'abolition de
l'esclavage dans ces collectivités ; la collectivité territoriale de
Mayotte a choisi le 27 avril, date de l'adoption du décret d'abolition de
l'esclavage en France.
L'article 3 bis de la proposition de
loi soumise au Sénat tend à modifier la loi de 1983 relative à la commémoration
de l'abolition de l'esclavage, afin de prévoir la fixation d'une date de
commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage sur le territoire
métropolitain.
La proposition de loi initiale déposée à l'Assemblée
nationale par Mme Christiane Taubira-Delanon et plusieurs de ses
collègues proposait que soit retenue la date du 8 février et incitait le
Gouvernement français à faire adopter cette date par l'ensemble de la communauté
internationale.
Le 8 février est la date à laquelle, en 1815, le
Congrès de Vienne condamna la traite négrière transatlantique, considérée comme
" répugnant au principe d'humanité et de morale universelle ".
L'Assemblée nationale n'a pas souhaité que la loi fixe une date de
commémoration, mais a préféré que cette décision soit prise par le Gouvernement
après la consultation la plus large. De fait, il paraissait délicat de fixer
immédiatement une date et plus encore d'inviter le Gouvernement à faire
entériner ce choix par l'ensemble de la communauté internationale.
Il
convient de noter que l'U.N.E.S.C.O., dans une résolution du
12 novembre1997, a proclamé le 23 août " journée internationale
du souvenir de la traite négrière et de son abolition ", invitant
" les Etats membres à donner toute l'ampleur voulue à cette journée et à
mobiliser l'ensemble des communautés éducative, scientifique, culturelle, la
jeunesse et, d'une manière générale, la société civile ".
Le
23 août est la date à laquelle commença, en 1791, une révolte d'esclaves
conduite notamment par Toussaint Louverture dans l'île de Saint-Domingue, qui
joua un rôle important dans l'abolition de la traite.
Il paraît donc
difficile que la loi française retienne une date de commémoration et invite le
Gouvernement à la faire adopter par d'autres Etats. Le texte finalement adopté
par l'Assemblée nationale apparaît préférable. Rappelons que l'article 3 de
la proposition prévoit qu'une date commune de commémoration devrait être
recherchée au niveau international, sans qu'il s'agisse pour la France de
convaincre les autres Etats d'adopter la date qu'elle aurait préalablement
choisie.
La proposition de loi (n° 406) présentée par
M. Michel Duffour et les membres du groupe communiste, républicain et
citoyen du Sénat a le même objet que l'article 3 bis de la proposition
de loi adoptée par l'Assemblée nationale puisqu'elle prévoit également la
fixation par le Gouvernement d'une date de commémoration fixée après une large
consultation.
Par ailleurs, la proposition de loi n°406 prévoit
également que les services publics de l'Éducation nationale et de la
radiotélévision apportent leur concours à la réflexion des jeunes sur le système
esclavagiste dans l'histoire du monde et de son abolition. Ces dispositions sont
apparues à votre commission contraires à la liberté de communication
audiovisuelle. Elle n'a donc pas cru pouvoir les retenir.
En revanche,
votre commission a estimé utile, dans un souci de clarté, que la création du
comité de personnalités chargé de proposer des lieux et des actions de
mémoire prévue par l'article 4 de la proposition de loi, soit prévue au sein de
la loi de 1983 relative à la commémoration de l'abolition de l'esclavage. Par un
amendement, elle a donc complété le présent article pour prévoir la
création d'un tel comité de personnalités, dont la composition et les missions
seraient définies par décret en Conseil d'Etat. Elle a en outre prévu que les
actions proposées par ce comité pourraient notamment concerner le contenu des
programmes scolaires pour intégrer la préoccupation figurant initialement à
l'article 2.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 3
bis ainsi modifié.
Article
4
Comité de personnalités chargé de proposer
des lieux et des
actions de mémoire
Cet article
prévoit la constitution d'un comité de personnalités qualifiées, appelé à
proposer, sur l'ensemble du territoire, des lieux et des actions de mémoire, qui
devront garantir le souvenir du crime d'esclavage.
Dans le texte initial
de la proposition de loi, cet article assignait au comité la mission d'examiner
les conditions de la réparation du crime d'esclavage, de sorte qu'une
certaine ambiguïté a pu naître en ce qui concerne la nature de cette réparation.
Dans son rapport présenté au nom de la Commission des Lois de l'Assemblée
nationale, Mme Christiane Taubira-Delannon a précisé qu'il ne s'agissait
" en aucun cas d'envisager des indemnisations financières, mais
simplement de promouvoir et d'amplifier ce mouvement de développement des lieux
de mémoire, permettant ainsi aux descendants des victimes de la traite négrière
d'affronter plus sereinement leur passé ". Elle a donc proposé de
modifier le texte de l'article pour que la mission du comité de personnalités
qualifiées soit plus précisément définie.
D'ores et déjà, quelques
initiatives ont été prises pour que le souvenir des crimes de traite et
d'esclavage ne disparaisse pas. Ainsi, la ville de La Rochelle a ouvert un musée
consacré au Nouveau Monde ; à Nantes, un monument a été érigé à la mémoire
de victimes de l'esclavage. A l'occasion du cent cinquantième anniversaire de
l'abolition de l'esclavage en France, de nombreuses manifestations ont été
organisées pour commémorer cet événement et rappeler la gravité des crimes
commis jusqu'à cette date. Le Sénat a ainsi organisé en 1998 un colloque sur le
thème des esclavages, un cycle cinématographique et une exposition retraçant le
combat en faveur de l'abolition de l'esclavage.
L'article 4 de la
proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition exacte
des compétences et des missions du comité.
Votre commission ayant décidé
d'inscrire la création du comité de personnalités dans l'article 3 bis, elle
vous propose par coordination la suppression de cet article.
Article 5
(art. 48-1 de la loi du
29 juillet 1881)
Possibilité pour les associations défendant la
mémoire des esclaves
d'exercer les droits reconnus à la partie civile
Cet article
tend à modifier l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881
permettant à certaines associations d'exercer les droits reconnus à la partie
civile.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 48-1 permet aux
associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des
faits et se proposant de combattre le racisme ou d'assister les victimes de
discriminations fondées sur leur origine nationale, ethnique, sociale ou
religieuse d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne
les délits de provocation à certains crimes (article 24 de la loi de
1881), de diffamation à raison de l'origine ou de l'appartenance à une
ethnie, une nation, une race ou une religion (article 32, alinéa 2
de la loi de 1881), enfin d'injures envers une personne ou un groupe de
personnes à raison de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie, une nation,
une race ou une religion (article 33, alinéa 3 de la loi de 1881).
L'article 5 de la proposition de loi tend à inclure parmi les
associations susceptibles d'exercer les droits reconnus à la partie civile
celles qui se proposent par leurs statuts de défendre la mémoire des esclaves
et l'honneur de leurs descendants.
Le dispositif proposé dans la
proposition de loi initiale était sensiblement différent. Il prévoyait en effet
la création d'une nouvelle infraction punissant la contestation de l'existence
de la traite négrière transatlantique et de l'esclavage. Rappelons que
l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 relative à la
liberté de la presse punit, depuis une loi de juillet 1990 adoptée à
l'initiative de M. Jean-Claude Gayssot la contestation de l'existence
de crimes contre l'humanité définis par l'article 6 du statut du tribunal
militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et
qui ont été commis soit par des membres d'une organisation criminelle soit par
une personne reconnue coupable d'un tel crime par une juridiction française ou
internationale.
Les auteurs de la proposition de loi ont donc proposé
l'adoption d'un dispositif similaire en ce qui concerne la négation du crime
d'esclavage. La commission des lois de l'Assemblée nationale a écarté cette
proposition en mettant en avant les risques d'atteinte au principe de la liberté
d'expression garanti par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et
par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales.
Le présent article paraît n'avoir qu'une portée
extrêmement réduite, dans la mesure où les associations de descendants
d'esclaves peuvent faire figurer la lutte contre le racisme ou l'aide aux
victimes de discriminations fondées sur l'origine parmi leurs objectifs pour
bénéficier des dispositions actuelles de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet
1881 relative à la liberté de la presse.
Votre commission vous propose
la disjonction de cet article.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.
___
1 Rapport AN n°1378,10 février 1999.
2 Conseil d'Etat, rapport public pour
1991.